Extrait Le Conte de Lady B

Extrait Le Conte de Lady B

Extraits choisis du roman Le Conte de Lady B, roman lesbien, et roman d’amour, de quêtes et de rebondissements surprenants

 

Ludivine.
Elle s’appelait Ludivine. Un ange blond aux yeux bleus-gris, tombé du ciel dans le seul but de m’aimer et de me rendre heureuse. Elle avait dix ans de moins que moi, et même si la différence d’âge au départ m’avait perturbée, tous nos dialogues et notre complicité grandissante avait chassé mes doutes. Oui nous étions compatibles. Oui elle me donnait beaucoup. Elle me faisait rire. Elle me faisait attendre. Je me languissais de nos prochaines retrouvailles, sans cesse, ces espaces temps, où en pensée, je la rejoignais et l’aimais.
Elle était étrange, dans sa façon d’être, sa façon de parler, avec un léger accent, une diction saccadée. Elle appuyait sur certains mots, dans un but inavoué de les sculpter à son image. Je me prenais à me laisser bercer par sa voix, sans écouter un mot de ce qu’elle disait.
J’aimais sa jeunesse comme un cadeau empoisonné. A la fois ce qui me séduisait, en même temps ce qui me terrifiait. Sa jeunesse rimait avec spontanéité, avec désinvolture et j’avais peur qu’elle me traite avec désinvolture.

Et quand l’amour, l’envahissant sentiment, se répand, se révèle, il dit au monde, voyez comme je possède, voyez comme j’existe. Et alors, naît cette improbable envie de vouloir le crier. L’afficher. L’exhiber. Vient aussi, tel un carrosse fanfaronnant, toute une escorte de désirs pour l’avenir: faisons des projets ! Envisageons l’avenir ! Parions sur les lendemains: sûrs qu’ils nous trouveront toujours unies. Et le mot, l’outsider, le paria est éjecté, plus rapide qu’une ombre sur l’autoroute: toujours.

Persuadée qu’il me faille continuer de vivre comme si rien ne s’était produit, je suis allée en course. Et, dans les rayons, au milieu d’une foule excitée par des promotions sur les caissettes de porc pour barbecue, j’ai craqué et me suis mise à pleurer. Ça ne s’arrêtait plus. Je pleurais en poussant mon caddie dans les rayons. Rayon croquette de chats, rayon lingettes nettoyantes, rayon papeterie…J’ai pleuré aussi, en regardant un film qui vantait les mérites d’un aspirateur silencieux, et lequel, en plus, savait réguler son alimentation électrique, pour une meilleure protection de l’environnement. Je voyais bien, entre mes larmes, que l’on me regardait étrangement.

Jour suivant.
Visage et lieu différent. La quête du Presque se poursuivait. Et là, se tenant devant moi, la Fille. Venue droit des Vosges. Impassible.
Elle aurait pu s’appeler Impassible88 ou Fixité d’Epinal. C’était une Vosgienne de 27 ans, et à mon grand
désarroi, elle me dépassait d’une tête.
Sa taille m’impressionnait.
Elle portait les cheveux courts et coiffés à la garçonne, au-dessus d’un large front. Ses yeux étaient immenses, mais fixes. Complètement fixes.
Parfois, ils semblaient vides.
Elle m’intimidait. Un visage immobile n’est pas un visage normal. Sans les traits qui bougent, sans un sourcil qui ne se hausse, comment être convaincu qu’une émotion pouvait l’atteindre ?
Ce que je savais de la Sibérie, était dans la littérature, et désormais, dans son regard.

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